1. L’hypnose dans l’histoire de la médecine
L’hypnose fut connue de tous les temps et sur tous les continents. Elle fut l’outil des prêtres, des magiciens autant que des thérapeutes de tous poils. Son aspect religieux a disparu chez nous. Quoiqu’il y aurait beaucoup à dire des incantations et des onomatopées de nombreux rites religieux, orientaux par exemple, quant à l’état de transe qu’ils induisent. Que dire du chant grégorien? Des musiques sacrées orthodoxes? De l’état de conscience particulier de certains lieux de pèlerinages? Son aspect magique pèse comme un lourd manteau poussiéreux sur l’hypnose médicale moderne. Il reste le gagne-pain de l’hypnotiseur de spectacle et demeure malheureusement plus attrayant pour les médias que l’analyse plus froide, plus logique, de la recherche physiologique ou clinique concernant l’hypnose, qui la démythifie et démystifie rapidement. C’est son aspect thérapeutique qui nous intéresse. Sans remonter à la nuit des temps, aux prêtres-guérisseurs des Asklépia, aux druides celtiques, etc. Souvenons-nous plus près de nous de Mesmer, médecin allemand, de James Braid, médecin anglais, de Charcot, Liébeault et Berheim, médecins français, de Freud, d’Esdale, et j’en passe … Tous médecins, ils utilisaient l’hypnose il y a un siècle dans l’art de guérir, chacun dans sa voie. On pourrait dire qu’il y a une longue tradition d’hypnose dans l’histoire de la médecine. Néanmoins cette affirmation heurte car, en Europe et jusqu’il y a peu, l’hypnose était rigoureusement inconnue voire rejetée avec tout le mépris dû au charlatanisme.
Encore actuellement, pour certains, le terme “hypnose” – ou pire “hypnotisme”- évoque des images telles que celle de Mesmer (théâtralisme, charlatanisme, illusion…), celle de Charcot (hystérie = névrose =suggestion = hypnose) ou celle de l’hypnose de spectacle (tricherie, crédulité, soumission aux ordres…). Le pré-jugement – le préjugé – n’est pas loin… Chez d’autres, il évoque tel film – auréolé de mystère – le témoignage d’un ami, le hasard d’une lecture. La curiosité est évidente, mais la peur la talonne.
2. La révolution de l’hypnothérapie
Comment pourrait-il en être autrement ? Les “états de conscience modifiés”, comme on Préfère les appeler aujourd’hui, ouvrent un champ de recherche tant clinique que biologique d’une profondeur insoupçonnée : quel lien y a-t-il entre la simple relaxation, le rêve éveillé dirigé, analytique, etc – le divan du psychanalyste, l’hypnose de scène, la sophrologie, l’hypnose thérapeutique “ancienne” – autoritaire et symptomatique – et l’hypnothérapie moderne? Existe-t-il un état hypnotique ? Et si oui, quels sont les paramètres qui permettent de le définir ?
Depuis Mesmer, Charcot et Freud, l’eau a coulé sous les ponts. Principalement aux Etats-Unis, sa pratique en hôpitaux et son enseignement sur les campus ont permis son étude et sa diffusion. L’hypnose a fait l’objet d’études cliniques qui en ont progressivement précisé la nature, les modalités d’application, les phénomènes associés et les principales indications.
Milton H. Erickson est probablement le plus connu des psychiatres novateurs en ce domaine.
Déjà en 1923, il rencontrait au cours de ses études de médecine, l’un de ses Professeurs de Faculté C. HULL qui pratiquait et enseignait l’hypnose. Au cours de sa longue vie professionnelle, Erickson a développé une pratique psychothérapeutique et hypnothérapeutique de plus en plus affinées dont se sont inspirées l’Ecole de Palo Alto et la programmation neuro-linguistique ou PNL. Sa pratique thérapeutique et ses travaux de recherche ont amené Milton H. Erickson à étudier la communication en hypnose, ce qui lui donna un terrain d’échange particulièrement riches avec certains membres de l’Ecole de Palo Alto. « L’hypnose sans hypnose » est une expression maladroite : nous préférons l’appellation d’ « hypnose non-formelle » quand il s’agit de l’utilisation thérapeutique de l’hypnose en dehors de toute déclaration formelle, rituelle, du type “Maintenant, nous allons faire de l’hypnose. Asseyez-vous confortablement, etc » Certains utilisent le vocable « d’hypnose conversationnelle». M. H. Erickson a ainsi donné aux thérapeutes un outil très performant[1] que ceux-ci peuvent ajouter à leur pratique, quelle que soit leur grille de lecture préalable.
D’où l’intérêt d’étudier ces techniques hypnotiques même si c’est pour ne jamais utiliser l’hypnose formellement. Paul Watzlawick n’hésite pas à dire que l’étude de l’hypnose thérapeutique par l’exercice d’observation qu’elle nécessite, aide grandement à mieux communiquer.
Dans le domaine de l’hypnothérapie, Milton H. Erickson publia plus de 150 articles scientifiques, fruits de son travail de recherche et de sa pratique clinique, en institutions et en privé. Il est l’un des fondateurs de « l’American Society for Clinical Hypnosis » dont la revue fait encore autorité aujourd’hui.
On peut parler d’hypnose avant et après Erickson, tant celui-ci révolutionna les conceptions et les méthodes de l’hypnothérapie. S’il fut un thérapeute réellement hors du commun, c’est probablement par la somme de travail, de créativité, de perspicacité, d’obstination et d’humanité qu’il déploya avec ses malades.
3. Qu’est-ce que l’hypnose ?
Milton H. Erickson définissait de façon très simple les mots « conscient» – ce dont nous avons conscience – et « inconscient » – ce dont nous n’avons pas conscience.
L’hypnose est un état de conscience particulier qui privilégie le fonctionnement inconscient par rapport au fonctionnement conscient.
L’état, hypnotique est un phénomène banal, quotidien. C’est un état dans lequel nous sommes des dizaines de fois par jour, sans le savoir. Par exemple, quand “nous sommes ailleurs”.
A tous moments, nous sommes en proportion variable en fonctionnement conscient et inconscient : comme entre des vases communicants, la proportion de l’un et de l’autre évolue constamment.
Par exemple, si vous effectuez un trajet de 300 km sur une autoroute dégagée, votre attention va devenir « flottante » : une attention soutenue n’est pas nécessaire, les idées défilent, sans ordre, de façon anarchique. Arrivé à destination, vous trouverez que le temps a passé vite – distorsion du temps – et vous seriez incapable de citer 90% des idées auxquelles vous avez pensé – amnésie spontanée.
Autre exemple : vous êtes au cinéma et vous êtes « pris » par le film. Nous sommes en Australie, au siècle passé, la jeune fille va se faire massacrer par le méchant : votre cœur palpite, votre gorge se noue, vos mains transpirent… C’est comme si c’était vrai, comme si vous y étiez et votre organisme suit !
Comme chacun d’entre nous, le patient connaît donc cet état bien avant de consulter!
Les comportements hypnotiques sont involontaires: on ne parvient pas par un effort de volonté à entrer en transe hypnotique ni à favoriser une anesthésie ou une amnésie! Le patient est d’ailleurs surpris, étonné, de constater les changements survenus au cours de son hypnothérapie; lui qui est tellement habitué à analyser ses problèmes, à choisir une solution, à prendre une décision et à faire des efforts pour y parvenir … !
Comme en miroir, les indications préférentielles de l’hypnothérapie seront les plaintes sur lesquelles la volonté, la décision consciente n’ont pas cours : émotions, désirs, plaisirs, somatisations, perceptions sensorielles, etc. Utiliser l’état hypnotique au cours d’une thérapie, c’est utiliser les capacités involontaires et inconscientes que le patient a, qu’il utilise à son insu pour le meilleur[2] et pour le pire[3].
Dans bon nombre de cas – dans les douleurs chroniques, les acouphènes ou les paresthésies par exemple – l’hypnothérapeute ne fera donc qu’apprendre à son patient à reconnaître l’état hypnotique[4], à le faciliter, le recréer lui‑même, et à l’utiliser à des fins thérapeutiques.
Aider un patient à entrer en hypnose n’est pas un don: c’est une technique qui s’apprend et s’enseigne.
C’est apprendre au patient à retrouver cet état qu’il a tant de fois vécu sans le connaître. C’est lui apprendre à l’approfondir et à l’utiliser. C’est lui donner cet outil personnel si riche qu’est l’auto-hypnose.
4. Le travail de l’hypnothérapeute
Le travail de l’hypnothérapeute consistera dès lors, pour obtenir un état de transe hypnotique, à:
- capter, fixer l’attention du patient
- dépotentialiser le conscient,
- activer le fonctionnement inconscient
Ainsi comprise, la relation médecin ‑ patient est une interaction entre le conscient et l’inconscient du patient d’une part, et le conscient et l’inconscient du thérapeute d’autre part. Chacun des deux participants fonctionne, au cours de l’entretien, à la fois sur le mode conscient et sur le mode inconscient dans une proportion, un rapport, le plus souvent inégal et variable : c’est ce que j’appelais plutôt « les vases communicants ».
Le thérapeute formé à l’hypnose thérapeutique apprend à utiliser le travail inconscient spontané de son client. Il s’agit bien d’un thérapeute formé: il doit acquérir un savoir‑faire, un savoir-être au cours d’une formation spécifique. Il ne s’agit en rien d’un don ou d’un pouvoir, comme le prétendent les hypnotiseurs de spectacle. Ceux‑ci pour exercer leur métier, sélectionnent les sujets les plus réceptifs, les plus suggestibles – il existe des tests simples pour les identifier – et sur un mode très autoritaire et “magique”, prétendent imposer leur volonté à leurs semblables. Dans le domaine thérapeutique, de telles pratiques conduisent trop rarement à des résultats intéressants, souvent exclusivement symptomatiques et peu durables. De plus, la position d’infériorité, d’obéissance et de soumission du sujet va à l’encontre même de l’objectif thérapeutique qui est d’obtenir l’autonomie maximale du patient
5. Caractéristiques de l’hypnose éricksonienne
En hypnose éricksonienne, loin d’ordonner au patient ce qu’il a à faire, le thérapeute lui présente un ensemble non limitatif de propositions parmi ou hors desquelles le patient choisira de s’orienter. On parle ainsi d’hypnose permissive.
- De même, plutôt que d’imposer son modèle de croyances, de ressources, de présupposés, le thérapeute éricksonien tentera au maximum de reconnaître, d’accepter et d’utiliser les matériaux amenés sur ces plans par le patient lui-même: d’où gain de temps, diminution des résistances – elles‑mêmes utilisées! – et plus grand respect du patient. Celui‑ci se sent davantage accompagné: il n’a pas à apprendre le langage du thérapeute puisque celui-ci utilise le sien. C’est l’aspect utilisationnel de l’hypnose que l’on retrouve en thérapie brève, nous l’avons vu.
- La troisième caractéristique de l’hypnose éricksonienne réside dans son indirection: elle recourt volontiers à des suggestions dites indirectes: évocations, associations, métaphores, plutôt qu’aux suggestions directes et autoritaires de l’hypnose classique.
6. La transe hypnotique : pour quoi faire ?
La transe s’accompagne d’un certain nombre de phénomènes que l’hypnothérapeute peut utiliser à des fins thérapeutiques.
RESSOURCES
Pour Milton H. Erickson, l’inconscient n’est pas seulement un réservoir de refoulements, de traumatismes et de culpabilité. C’est un grand réservoir de ressources partiellement inexploitées: pour lui, un changement positif est toujours possible. Et le patient sera actif, pendant la séance d’hypnose. Sous une apparence de passivité, il fournira un travail inconscient dont témoigneront divers indices non verbaux qui permettront au thérapeute de suivre ce travail : larmes, sourires, transpirations, mimiques, petits mouvements, etc.
L’IDEO-MOTRICITE
Berheim a longuement décrit[5] cette tendance à la concrétisation motrice de nos idées. Notre vie de tous les jours en fourmille d’exemples. Pensez à la salivation face à un mets tentant, aux érections suite aux désirs, etc. Durant la transe, l’expression verbale est possible et le non‑verbal précieux. Les réponses données au cours de cette activité inconsciente peuvent être différentes de celles qui sont fournies à l’état conscient: un patient peut dire à l’état conscient n’avoir plus mal et dire le contraire en état hypnotique.
Il existe d’autres moyens de s’exprimer de façon idéo – motrice durant la transe:
Le signal idéo ‑ moteur permet au patient de répondre par des mouvements de la tête, des mains ou des doigts plutôt que par des mots: cette réponse idéo ‑ motrice inconsciente serait plus archaïque, moins manipulable consciemment.
L’écriture automatique est un autre mode de communication idéo ‑ moteur grâce auquel le patient écrit inconsciemment durant la séance.
LES METAPHORES : LANGAGE FIGURATIF
Le rêve produit pendant notre sommeil n’est pas conscient : il émane de notre inconscient dont c’est un langage figuratif. Cette voie est‑elle à sens unique? Non! Il est possible d’utiliser un langage figuratif pour s’adresser à l’inconscient – puisque c’est son langage[6]! – dans l’intention de modifier l’image du monde, de la réalité du patient. Ces évocations sont à l’origine de l’utilisation de métaphores, des techniques de saupoudrage et autres modes de communication à niveaux multiples. A différents propos, ce livre décrit de nombreuses métaphores[7] et anecdotes thérapeutiques.
L’état hypnotique renforce l’efficacité des métaphores thérapeutiques[8]. En effet, si le thérapeute peut raconter
des métaphores à son patient à l’état de veille, ces récits seront vécus de façon bien plus intense en état hypnotique en raison de l’implication émotionnelle particulièrement forte pendant la transe. Le thérapeute suivra les signes physiologiques de cette implication. Si l’on ajoute que, bien souvent, une amnésie spontanée ou suggérée suit ce récit, on comprend mieux que l’effet de ce travail, c’est à dire le changement souvent rapide qui intervient dans la vie du patient, étonne celui-ci, qui se demande alors ce qui a pu lui arriver…
LITTERALITE
Il est devenu classique de dire que l’inconscient entend littéralement par exemple, une personne en état de transe hypnotique à qui l’on poserait la question ” Peux‑tu me dire l’heure qu’il est? ” répondra “Oui” plutôt que de vous dire l’heure qu’il est. Si on lui demande “Dans quel état es-tu?”, elle répondra par exemple “En Belgique” (Etat). En réalité, il ne s’agit peut‑être pas plus d’une compréhension plus littérale, mais simplement d’une compréhension à un autre niveau logique, dans un autre sens du mot “état”. On retrouve fréquemment ces changements de niveaux logiques dans l’humour, par exemple.
Que vit une parturiente au cours de la phase d’expulsion, durant son accouchement quand la sage-femme lui crie “Arrêtez de faire l’enfant! Poussez! ” Ainsi les hypnothérapeutes ont‑ils souvent l’occasion d’entendre de la bouche de leurs patients combien une petite phrase, d’allure banale, anodine, peut pénétrer dans leur inconscient et y faire la loi longtemps. Il suffit pour cela que la personne reçoive cette phrase à un moment de la vie quotidienne où elle est « ailleurs » – transe spontanée de la vie de tous les jours, imprégnation médicamenteuse, maladie grave, KO, entrée ou sortie d’anesthésie générale, etc… Les mécanismes de barrages conscients sont alors inopérants!
Prenons comme exemple une anxiété, apparue au cours d’une opération sous anesthésie générale, laquelle s’est par ailleurs, parfaitement déroulée. L’hypnothérapeute apprendra peut‑être, en transe, que l’anesthésiste a dit au chirurgien: “Dans deux heures, cela sera fini”, ce qui, vu l’état de conscience modifié de la patiente, a pu être entendu par elle littéralement “Dans deux heures, je serai morte” avec les conséquences que l’on devine! Comment comprendre et aider cette patiente sans repasser par un état de conscience modifié qui permet de retrouver ce mécanisme et de le traiter? C’est l’utilité du questionnement de l’inconscient durant la séance. Ce questionnement permet de retrouver des souvenirs auxquels le conscient n’a plus accès et qui peuvent dès lors être utilement travaillés. Au-delà des exemples classiques largement illustrés par Freud et regroupés sous le terme « d’abréaction », un exemple plus ponctuel et tiré de la vie de tous les jours permettra d’illustrer différemment ce propos. Il semble que dans les moments de transe spontanée que vous et moi vivons X fois par jour, notre état de conscience est modifié en ce sens que notre niveau de vigilance est bas et notre inconscient ainsi plus exposé à des suggestions, avec moins de défenses conscientes. Dans ces moments, une phrase d’allure banale peut “s’imprimer ” aisément – d’où le terme d’imprint – et à notre insu dans notre esprit et y produire ses effets.
Une femme de 42 ans nous consulte pour une baisse importante et inexpliquée de sa vue, qui a eu pour conséquente récente un changement de verres de ses lunettes. En transe, elle retrouve un souvenir qui date, dit-elle, de deux ans. Son oculiste lui aurait alors dit: “Votre vue est bonne, mais je vais quand même vous prescrire des lunettes. Et dans deux ans, il faudra revenir pour changer vos verres ». On sait ce qu’il en est advenu…
Pour accepter de telles suggestions, les suivre jusque dans sa physiologie oculaire et porter des lunettes alors que sa vue est bonne, cette patiente d’un très bon niveau intellectuel – allemande, elle est fonctionnaire européenne – ne pouvait disposer, au moment des faits, de tous ses moyens de défense conscients…
Le travail de ce souvenir et de ses conséquences engendra une amélioration rapide de sa vue. Mais comment aurait-on pu traiter cette patiente sans employer le même état de conscience modifiée qui avait permis au problème de survenir?
Combien de phrases d’allure banale, dénuées de toute intention de nuire, sont prononcées par des soignants qui n’imaginent pas un instant le chemin que ces phrases, ces suggestions, parcourront dans l’esprit, puis dans le corps de celui ou celle qui les a reçues…
DISSOCIATION
Dans le cas de la transe spontanée de la vie de tous les jours – cinéma, distraction, rêverie, longs trajets en train, en métro, sur l’autoroute, nous gardons suffisamment de fonctionnement conscient pour que tout se passe bien, mais l’essentiel de notre activité mentale est « ailleurs ». Nous sommes dissociés. Durant la transe hypnotique, le patient est dissocié du contexte: les bruits du cabinet ou de la rue, par exemple, ne l’intéressent plus. Le thérapeute utilisera cet état de dissociation pour travailler le souvenir d’un traumatisme, les situations phobogènes, etc sans que cela affecte émotionnellement le patient en transe.
LEVITATION ET CATALEPSIE
Les comportements idéomoteurs sont des réponses motrices à des idées suggérées. En hypnose thérapeutique, il est classique de développer ainsi des lévitations ou des catalepsies du bras, par exemple. Celles-ci illustrent l’impact physiologique du travail de l’hypnothérapeute, ratifient l’état hypnotique et permettent d’illustrer comment celui-ci peut affecter d’autres mécanismes physiologiques tels que douleur, spasme – bronchique, digestif, urologique, gynécologique, etc – l’immunité… On comprend mieux, dès lors, l’intérêt de l’hypnose thérapeutique au niveau corporel, dans les différentes spécialités de la médecine, et non pas seulement en psychiatrie.
On dit traditionnellement que la catalepsie est un phénomène caractéristique de l’état de transe. Pour Milton Erickson, la catalepsie est «une forme de tonicité musculaire particulièrement bien adaptée”. Notre tête, par exemple, bénéficie de ce tonus particulier des muscles du cou. Ceux qui ont subi un traumatisme cervical et éprouvent des difficultés à “tenir leur tête” en savent quelque chose. Erickson utilisait volontiers cette catalepsie pour faciliter l’entrée en transe dans sa célèbre “shake-hand induction”, par exemple. C’est troublant et intrigant à la fois pour le patient d’observer ainsi l’un de ses membres réagir de façon inattendue au niveau du tonus musculaire.
MEMOIRE
Des modifications de la mémoire sont possibles en état de transe : hypermnésie, amnésie, modification d’un souvenir traumatique – accident, agression, abus sexuel, etc…
Dans le syndrome post-traumatique ( PTSD ), le traumatisme causal (catastrophe, accident, viol, torture, etc) a provoqué une modification de l’état de conscience instantanée telle que la scène est vécue à un niveau qui rendra illusoire tout travail conscient ultérieur. Là où le traumatisme a été vécu à un niveau d’impact essentiellement inconscient, la voie royale, « l’autoroute thérapeutique » utilisera aussi la modification de l’état de conscience, mais sur le chemin de la guérison cette fois!
Les survivants sains de ces traumatismes ont d’ailleurs utilisé – sciemment ou non – un mécanisme de dissociation hypnotique pour survivre le moins mal possible à ces sévices[9].
Notre inconscient est le siège d’une majorité d’informations mémorisées. C’est un peu notre disque dur: il contient la plupart de nos informations, accessibles seulement par le biais d’une technique appropriée. Alors que notre disquette (souple) contient les informations immédiatement disponibles, bien moins nombreuses.
L’hypnothérapeute peut pratiquer une régression en âge, permettant de travailler d’anciens traumas, connus ou amnésies. Il peut également favoriser l’amnésie de la séance ou d’une partie de celle‑ci: l’apprentissage nouveau peut ainsi rester inconscient sans être limité par le conscient. Il peut aussi utiliser les suggestions post‑hypnotiques, suggestions données pendant la transe pour s’accomplir plus tard.
PERCEPTION DU TEMPS
La durée subjective (soit celle perçue par le patient) d’une transe spontanée ou d’une séance d’hypno thérapie peut être fort différente de sa durée réelle.
Cette distorsion du temps peut être mise à profit sur le plan thérapeutique pour diminuer la durée subjective des douleurs paroxystiques ou intermittentes – migraines, douleurs cancéreuses – et augmenter la durée subjective des intervalles entre les crises.
La pseudo‑orientation dans le temps est une projection dans le futur où le patient peut se voir guéri et imaginer ainsi les conséquences de ce changement sur tous les plans. La TOS a développé ce concept, nous l’avons vu.
PERCEPTIONS SENSORIELLES
La transe hypnotique peut faire apparaître, faire disparaître ou modifier les perceptions sensorielles.
L’hallucination dite positive correspond à la définition classique de l’hallucination: perception sans objet.
Ainsi, au cours de l’induction de l’état d’hypnose, le thérapeute suggère‑t‑il des perceptions – chaleur, fraîcheur, lourdeur, légèreté, fourmillements, etc… Certaines techniques utilisées dans le traitement de maladies psychosomatiques prennent racines dans ce type de travail.
L’hallucination dite négative est au contraire, la non‑perception d’un stimulus réel. Ses techniques seront utilisées en vue d’obtenir l’analgésie et l’anesthésie.
Les modifications des perceptions consisteront par exemple à déplacer une douleur, un prurit ou une sensation d’inconfort loin de son point de départ.
Les différentes utilisations de ces phénomènes peuvent servir autant à ratifier la transe qu’à des fins plus directement thérapeutiques.
7. Conclusions provisoires
Le médecin qui se forme à l’hypnose thérapeutique éricksonienne :
- s’initie à la communication hypnotique : indices minimaux du langage non verbal, communication à niveaux multiples, métaphores, thérapie stratégique, moyens de communication spécifiques, spécificités du langage, etc. Il apprend à communiquer comme partie prenante d’une interaction à quatre composantes: deux conscients et deux inconscients.
- apprend à travailler avec – et non contre- les résistances, celles‑ci n’étant qu’un matériau comme un autre amené par le patient à l’édifice thérapeutique.
- découvre que la confusion peut être utile en dé potentialisant le conscient, favorisant ainsi l’activité inconsciente. Pratique pour lui-même et enseigne à ses patients l’auto – hypnose.
- reconnaît et utilise la transe spontanée de son patient en cours de consultation. Avec un peu d’entraînement, il utilise l’hypnose conversationnelle.
Il peut donc être utile d’étudier l’hypnose thérapeutique même sans jamais utiliser l’hypnose formelle, ritualisée.
[2] Par exemple l’état amoureux, la rêverie agréable, etc
[3] Ce qu’on appelle l’auto-hypnose négative par exemple, c’est-à-dire la transe spontanée du douloureux, de la crise émotionnelle ou du traumatisme, etc pendant lesquelles nous fonctionnons en mode hypnotique désagréable.
[4] les moments au cours desquels il a spontanément moins mal, par exemple. Ou les moments au cours desquels il perçoit moins ses acouphènes, ses paresthésies, etc.
[5] H. Berheim ; Hypnotisme, suggestion, psychothérapie ;Fayard, Paris, 1995, 767 pages
[6] P. Watzlawick; Le langage du changement ; Seuil, Paris, 1986, 184 pages
[7] Voir , par exemple, la métaphore du géant aux pieds d’argile”, dans le chapitre “Principes de thérapie brève”, le sens donné: cadrage et recadrage.
[8]” Sydney Rosen, Ma voix t’accompagnera, Editions EPI , hommes et groupes. Paris, 2000 ; 534 pages ; Recueil des métaphores thérapeutiques de M. H. Erickson
[9] Voir à ce propos l’article de Gisela PERREN – KLINGER , paru dans la revue médicale de Suisse Romande , IIO , 77 – 8I , I99O.